La Gauche Moderne dans le piège de la confédération des centres
La Gauche Moderne, mouvement fondé par Jean- Marie Bockel, pour soutenir la politique de réformes du président de la République, a choisi de rejoindre "l’Alliance Républicaine Ecologique et Sociale", nouvelle appellation de la "confédération des centres". Je le regrette.
Je persiste, en effet, à penser que La Gauche Moderne n’est pas centriste, ne souhaite pas le devenir, et que sa place n’était pas dans ce regroupement qui ne lui correspond ni culturellement, ni politiquement et dont tous les dirigeants (sauf Jean-Marie Bockel) ont été membres de l’ancienne UDF. Malgré les différences de choix politiques, nous sommes, en réalité, plus proches idéologiquement du MRG ou de certains courants du PS, que des centristes, plus proches de Manuel Valls ou de Gérard Collomb que d’Hervé Morin ou d’Hervé de Charrette.
Je pense aussi que le ralliement à ce conglomérat de centristes, marqué par l’anti-sarkozysme et qui va diviser et affaiblir la majorité présidentielle, représente moralement, politiquement, stratégiquement, électoralement, une erreur.
Si La Gauche Moderne a rejoint, en 2007, la majorité présidentielle, c’est pour soutenir l’action réformatrice du président de la République; cette action courageuse se poursuit, notre soutien n’a donc aucune raison de cesser.
Au nom de quoi, devrions-nous emboîter le pas d’anciens ministres qui approuvaient totalement l’action et les projets du gouvernement quand ils en faisaient partie (bouclier fiscal et discours de Grenoble compris), pour devenir critiques lorsqu'ils ont cessé d’y appartenir ? Sur quelles bases rejoint-on cette confédération centriste, alors qu’elle n’a, à ce jour, ni objectif clair, ni projet politique, ni programme (une commission y travaille toujours…).
J’aurais préféré que La Gauche Moderne ne s’engage pas dans cette démarche ambigüe qui ressemble à s’y méprendre à une opposition qui n’ose pas dire clairement son nom.
Cette "Alliance Républicaine" veut, en effet, construire "une autre majorité présidentielle" et Jean-Louis Borloo prétend être une "alternative à Nicolas Sarkozy". Croit-on que Jean-Louis Borloo aurait, s’il avait été nommé Premier ministre en novembre dernier, fait une politique si différente de celle mise en œuvre par François Fillon…On a du mal à distinguer en quoi…Et croit-on qu’il aurait été candidat à la présidentielle, si le Président l’avait nommé Premier ministre ? Cette nouvelle opposition, à une politique et à un Président, parait avoir une raison bien… conjoncturelle.
Quand Jean-Marie Bockel déclare souhaiter la candidature de Jean-Louis Borloo à la présidentielle, et surtout souhaiter son succès, (donc la défaite de Sarkozy !), est-ce parce qu’il considère qu’il serait un Président plus déterminé, plus réformateur, plus efficace que Nicolas Sarkozy. J’en doute… Alors pourquoi le soutenir ?
L’adhésion à ce regroupement de centristes, va, progressivement, faire perdre à La Gauche Moderne sa spécificité de gauche sociale libérale et son indépendance, pour la recherche d’un intérêt électoral, d’ailleurs illusoire. Les parlementaires radicaux qui ont une vive sensibilité à tout ce qui pourrait menacer leur réélection - comment leur en vouloir - ne se précipitent pas dans les bras de cette "alliance", sachant que ce serait le meilleur moyen de se faire battre, l’UMP étant très tentée de présenter contre eux des candidats. Alors, pourquoi ce qui serait un handicap électoral pour les radicaux, se transformerait-il en avantage pour La Gauche Moderne ? Enfin, comme tout parti membre d’une Confédération, surtout petit, le risque de disparition est immense. Viendra très vite le temps, où on ne parlera plus des partis constitutifs de la confédération, Convention démocrate, ou La Gauche Moderne, mais uniquement de "l’Alliance Républicaine", comme en son temps on n’avait plus parlé que de l’UDF, oubliant jusqu’au nom des partis qui la constituaient.
Il aurait été préférable de ne pas nous précipiter dans cette démarche dangereuse pour l’indépendance et le développement de "La Gauche Moderne", qui, avant de mourir, y perdra, en outre, son capital essentiel, c’est à dire son orientation et son positionnement à gauche, dont elle ne pourra plus se prévaloir.
Mais, la décision est prise, elle s’impose à tous les membres de La Gauche Moderne, et j’en fais partie, qui inscriront leur action militante dans le cadre de cette alliance. À eux de faire en sorte que leur parti conserve le plus longtemps possible, la capacité de défendre ses idées et d’avancer librement ses propositions. Pourtant, d’ores et déjà, La Gauche Moderne s’éloigne de ce qui faisait son originalité et son utilité dans le paysage politique français, "être une organisation de gauche, sociale et libérale, soutenant l’action réformatrice du Président de la République".
Il faut qu’un mouvement vienne remplir le vide que sa nouvelle orientation et ses nouveaux choix vont laisser. Pas un parti politique - La Gauche Moderne continue pour l’instant à exister et nous y militons toujours - mais un mouvement d’une autre nature, un cercle de réflexion, un club politique, qui puisse publiquement s’affirmer social-libéral, fidèle aux idées et aux idéaux de la gauche et soutien loyal - mais exigeant- du Président, dans la mesure où celui-ci poursuivra sa politique de réforme.
Ce mouvement, nous l'appelons, selon une belle formule du philosophe social libéral américain John Rawls, le "Cercle des Libertés Egales".
Nous aurons l’occasion d’en reparler…
Marc d'Héré