La bataille des classes moyennes

Alain Duhamel, Le Point du 09 02 2012...

Comme chaque fois que l'on entre dans le vif de la campagne présidentielle, la situation et les perspectives des classes moyennes deviennent un furieux sujet de débat. Le livre vigoureux, savant et iconoclaste que viennent de publier les sociologues Dominique Goux et Éric Maurin (1) suscite donc d'âpres discussions. Il prend le contre-pied de l'alarmant essai du ministre Laurent Wauquiez (2) ou des thèses du sociologue Louis Chauvel, qui diagnostique une paupérisation des classes moyennes. À rebrousse-poil du climat ambiant, Goux et Maurin se montrent nettement plus positifs. Ils ne nient évidemment pas l'anxiété des classes moyennes, la stagnation de leur pouvoir d'achat, la grande inquiétude qu'elles éprouvent pour l'avenir de leurs enfants, la peur du déclassement ou de la précarité qui les tenaille.

Aux antipodes du catastrophisme très intéressé des politiques qui sonnent le tocsin à toute volée, nos deux auteurs remettent fermement les pendules à l'heure. Pour eux, et ils le démontrent en s'appuyant sur les sources statistiques de l'Insee et du ministère de l'Équipement, les nouvelles classes moyennes incarnent au contraire une "France qui tient" et même une "France qui monte". Représentant 30 % de la population active, contre 50 % pour les catégories populaires et 20 % pour les catégories supérieures, elles rassemblent le petit patronat et les professions salariées intermédiaires (techniciens, professeurs des écoles, cadres B de la fonction publique). Hétéroclites, elles n'ont cependant jamais été aussi nombreuses, aussi fortes et aussi entreprenantes. Au sein de la crise, elles se battent, et elles se battent efficacement.

C'est là qu'est le noeud de l'affaire, là que Goux et Maurin exaspèrent leurs contradicteurs : selon eux, le niveau d'études et de qualifications professionnelles des nouvelles classes moyennes ne cesse de s'élever. Loin d'être frappées par le déclassement, elles maintiennent leur statut, leur prestige et leur position sociale. Elles restent l'instrument de la promotion sociale, leurs effectifs augmentent et même leur lieu d'habitat se stabilise. Elles éprouvent un fort ressentiment, conscientes de payer beaucoup plus par l'impôt qu'elles ne reçoivent en allocations sociales. Elles développent ainsi un certain individualisme dont s'emparent goulûment les politiques, tantôt pour leur faire craindre un piège fiscal de la gauche, tantôt pour noircir caricaturalement leurs perspectives si la droite l'emporte.

Par Alain Duhamel

1. Les nouvelles classes moyennes (Seuil, 124 p., 11,50 euros).

2. La lutte des classes moyennes" (Odile Jacob, 222 p., 18,90 euros).

Comments

[Larnaudie Patric]

Je ne pense pas que les classes moyennes soient individualistes. Je pense seulement qu'elles se battent pour assurer leur niveau de vie et pouvoir par là même assurer l'avenir de leurs enfants,l'ascenseur social!

Pour ces raisons,elles sont attachées à l'amélioration du système éducatif, à l'amélioration du système social car nombre de Français ne sont pas aidés à la hauteur de leurs besoins parce qu'ils ne savent pas à quel organisme s'adresser ou répugnent à demander de l'assistance( et pas de l'assistanat!)

Nous connaissons tous ce genre de situation et si les classes dites "moyennes" ne répugnent pas à participer à l'effort social qu'elles alimentent largement,elles demandent simplement à ce que cet effort soit nettement mieux réparti!!! Car nombre d'enfants des classes moyennes,si F Hollande passe,iront de plus en plus grossir les groupes d'expatriés en Europe( Londres mais aussi Genève,Bruxelles,Münich...)!!! Ce ne sont pas de riches héritiers mais de jeunes actifs dont la France a bien besoin!!! Ils n'accepteront pas ,en effet, que l'on traite de "riches" leurs parents parce que ceux ci sont- à force de travail- propriétaires de leur maison et ont pris une( moyenne) assurance Vie!!!!!!