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Cercle des Libertés Egales
30 juin 2012

Sommet européen: quelques réponses, beaucoup de questions

 

Paul Goldschmidt, sur le site Atlantico.fr   le 29 juin...

C'est aux petites heures du matin, après prolongations, qu’Hermann van Rompuy a pu siffler la fin de ce qui s’est avéré être tout sauf une « récréation. Les déclarations qui ont suivi montrent l’âpreté des discussions et révèlent de nombreux éléments forts intéressants :

Le Pacte sur la Croissance

Sur le fond, rien de nouveau si ce n’est l’endossement prévu de mesures largement consensuelles concernant la mobilisation de la BEI, de garanties du budget de l’UE (Project bonds) et de fonds structurels. Ces mesures de « croissance», toujours bien venues, sont totalement insuffisantes, tant sur leur montant que leur échelonnement, pour avoir un impact déterminant sur la crise mais donnent à François Hollande l’alibi nécessaire à la ratification du Traité budgétaire.

Par contre, ce qui est plus intéressant, c’est l’utilisation qu’en ont fait l’Italie et l’Espagne en conditionnant leur accord à l’obtention de mesures de soutien à court terme pour soulager leurs coûts de financement et de renflouement de leurs banques. Cela prouve que la stratégie de François Hollande de tout subordonner à la croissance a finalement forcé, non seulement l’Allemagne, mais aussi la France à accepter des mesures auxquelles elles étaient en principe opposées : mobilisation du FESF/MES pour soutenir directement les banques et l’achat de dettes souveraines (pour l’Allemagne) et nouveaux « transferts de souveraineté » en imposant une supervision des banques de l’Eurozone par la BCE (pour la France),  dans l’attente d’autres mesures pour compléter l’ « Union bancaire ». 

Le transfert à la BCE de la supervision des banques de l’Eurozone

Cette décision consacre (enfin!) la nécessité de cohérence, mettant fin à la fiction de la prépondérance d’une « coopération » entre 27 Etats souverains par rapport à un système unifié, avec des pouvoirs contraignants et intrusifs dans la souveraineté des 17 pays de l’Eurozone, en matière de réglementation/supervision du secteur bancaire.

Quoiqu’il y ait tout lieu d’applaudir, sans réserve, cette décision, sa mise en œuvre va poser de nombreux problèmes. D’abord l’articulation des responsabilités de la BCE et celles de l’ABE, le bon sens voudrait que la BCE représente, seule, les 17 pays de l’Eurozone au sein de l’ABE mais on peut déjà entrevoir les difficultés quant aux « majorités » nécessaires à la prise de décisions. En second lieu, la centralisation des pouvoirs de régulation/supervision au sein de la BCE renforcera immanquablement son pouvoir d’imposer les règles qui pourraient mettre en péril la conception anglaise du « marché unique » en matière services financiers, notamment dans les domaines de contrôle/localisation des organismes de transfert/règlement des opérations libellées en Euros. Une situation de conflit, qui serait « arbitrée » par l’UE, mettrait en doute l’autorité absolue que la BCE doit avoir dans ces matières pour asseoir sa crédibilité. 

Plutôt que de s’acharner à élucubrer un compromis boiteux, il serait peut-être plus sage de revoir de fond en comble le rôle et la structure de l’ABE. Les pays Membres de l’UE, hors G.B. et Danemark, étant tenus par le Traité de rejoindre l’UEM, il serait plus rationnel de permettre aux pays encore non-membres un « opt in » (qui deviendrait obligatoire lors de leur demande d’adhésion) à la réglementation/supervision gérée par la BCE. L’ABE deviendrait  la « filiale » de la BCE chargé de la réglementation/supervision du secteur bancaire de l’UEM et devrait se relocaliser à Francfort !

Ces conflits potentiels, qui n’abordent même pas les questions plus sensibles de mutualisation des garanties des dépôts et l’instauration d’un mécanisme de résolution bancaire, ont tous les ingrédients nécessaires à entretenir, sinon aggraver, les doutes des marchés sur la capacité réelle de l’UE/UEM à apporter des solutions pérennes à sa cohésion. Les autorités seraient avisées de ne pas faire l’impasse sur la nécessité d’apporter des réponses claires et rapides à ces problèmes avant que les marchés, les ayant identifiés, posent un jugement négatif. Se plaindre de ce que les « spéculateurs » sont injustes n’est pas une réponse adéquate.

L’utilisation de l’EFSF/MES pour renflouer les banques et acheter de la dette souveraine

L’obtention par les Premiers Ministres Monti et Rajoy d’un accord à l’arraché sur ces questions ne doit pas occulter les grandes difficultés que leur mise en œuvre comporte. Une première concerne les montants disponibles : il est clair que, dans l’état, les montants engagés ne suffiront pas en cas d’une aggravation des tensions sur les taux d’intérêt d’une part ou une détérioration de l’économie (en cours) qui augmenterait les créances douteuses des banques, de l’autre.

Cette question peut, théoriquement, être traitée en dotant le MES d’un statut bancaire, lui donnant accès aux ressources « illimitées » de la BCE. Cette option n’est cependant envisageable que dans le cadre de l’instauration d’une discipline et d’un contrôle « fédéraux » exigés par l’Allemagne en contrepartie. En effet il s’agit d’une autre forme de « mutualisation » de la dette souveraine des pays de l’UEM et implique donc les mêmes « transferts de souveraineté » préalables à l’émission d’ « Eurobonds ». A l’occasion du débat prévisible sur ce point on entrevoit déjà les difficultés tant pour la France que pour l’Allemagne de faire les concessions réciproques indispensables.

Quant à  la question du refinancement « direct » des banques, on est dans le flou absolu sur la nature de l’instrument envisagé (prêts/fonds propres/quasi fonds propres ?) sauf sur un point : ces fonds ne seraient pas pris en considération dans le montant de la dette de l’Etat dont les banques bénéficieraient du soutien. A ce propos il y a lieu de faire deux remarques :

1 - Cette clause peut, le cas échéant, faciliter le respect de clauses réglementaires/juridiques « formelles » (respect des règlements européens tels le PSC, le « Six Pack », Traité de discipline budgétaire, etc.).

2 - Par contre, il est illusoire de penser que les investisseurs (ou les Agences de notation) ne considéreront pas ce financement comme une augmentation de la dette du pays et des risques qui y sont associés, et que cela n’aura aucun impact positif sur les marchés.

Sur ce dernier point, la question du caractère privilégié » ou non des créances détenues par le MES aura une importance cruciale. La proposition de suspendre le caractère privilégié du financement des banques espagnoles prouve que les mises en garde, évoquées lors de la négociation du Traité sur le MES, étaient fondées et que la focalisation des marchés sur cette question ne fait qu’impacter négativement la tenue des titres des émetteurs souverains concernés. Cette clause, à laquelle tient particulièrement l’Allemagne, devrait être purement et simplement supprimée.

 

Conclusion : Si à l’issue de la première mi-temps du sommet, plusieurs pistes concrétisant des avancées potentielles ont recueilli l’adhésion du Conseil, force est de constater que leur mise en œuvre soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.

 

On est encore loin du « bond en avant » (métaphore pour orientation fédéraliste) que l’opinion publique et les marchés attendent. L’instruction, donnée aux quatre auteurs du « rapport  présidentiel » d’en préciser, d’ici à fin 2012, le contenu et le calendrier de mise en œuvre, est décevante et souligne, une fois de plus, l’incapacité des dirigeants à se hausser au niveau nécessaire requis par la gravité de la situation.  

 Paul Goldschmidt, sur le site Atlantico

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