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Cercle des Libertés Egales
22 septembre 2012

Lettre à Jacques Julliard de "Marianne"

 

Notre ami Henri Allaigre, membre du Conseil d'administration du Cercle des Libertés Egales a adressé une lettre à Jacques Julliard, du magazine Marianne...Nous  la publions ci-dessous...

Cher Monsieur,

J'ai de l'estime pour vous et vous considère comme un homme raisonnable et mesuré. C'est dans cet esprit que je voudrais prolonger votre récent éditorial de Marianne sur l'affaire Bernard Arnault et l'ADN anti-riches des français.

Votre analyse de ses sources, dans le catholicisme, l'aristocratie et le syndicalisme est un bon rappel historique. Vous pointez ensuite la contradiction qu'il y a à vouloir, comme on l'a vu par la présence de nombreux ministres à l'université d'été du MEDEF, favoriser l'emploi en réhabilitant, logique élémentaire, le rôle les employeurs, et donc de l'entreprise, lieu principal de création des postes et des richesses dont tout le monde en France souhaite la multiplication, et à pratiquer simultanément le "riche-bashing" ou "chasse aux riches", sport qui plaît tant à notre mentalité nationale et auquel notre classe politique actuellement au pouvoir s'est volontiers adonnée dans la période récente. Vous en appelez pour finir à un effort de part et d'autre pour dépasser ces oppositions primaires et stériles et aller vers une meilleure compréhension réciproque entre partenaires sociaux. On ne peut que souscrire à ce souhait.

Sauf que dans notre pays, le sectarisme politique et social est plus marqué, me semble-t-il, à gauche qu'à droite et que votre exhortation devrait donc concerner un camp plus que l'autre. Un seul exemple, mais il est éloquent : notre actuel Président a glissé incidemment lors d'une interview dans la campagne de 2007 cette petite phrase : "Je n'aime pas les riches". Aucun tollé, aucune indignation vertueuse n'est venue ponctuer cette martiale déclaration, et elle ne lui a nullement collé à la peau comme une irréparable infamie entachant sa carrière, à l'instar d'autres hommes politiques dont certains faits ou propos les ont suivis des années durant.

Et pourtant, si l'on essaie de remplacer "les riches" par n'importe quelle autre désignation collective : "Je n'aime pas les arabes, les juifs, les étrangers, les homos, les pauvres, les chômeurs, les assistés, les syndicalistes, les femmes, les enseignants etc. etc.", on imagine le tohu-bohu médiatique et la bordée d'injures encourus par l'auteur avec le nombre de plaintes déposées contre lui. Mais pour les riches, ça passe, et nul malaise ne vient titiller notre conscience nationale, ce qui est un comble quand on prétend à la plus haute fonction au sein de l'Etat comme Président de tous les français!

Stigmatiser un groupe comme tel, au seul titre de l'appartenance à ce groupe et non pour faits et gestes individuels des membres de ce groupe est en effet un indigne procédé d'amalgame. C'est notamment, hélas, le ressort odieux du racisme, qui devient ici un "classisme", vieux relent de "lutte des classes" dont la gauche et le syndicalisme français ont tant de mal à se débarrasser.

C'est pourquoi je prétends qu'on ne peut renvoyer là-dessus gauche et droite dos à dos, mais que la première, chez nous, a plus d'effort à faire dans le sens de la tolérance et de la cohésion du pays, surtout quand elle ne cesse d'en appeler au "vivre ensemble" et au "lien social" que l'on a tant accusé Sarkozy de briser, alors que de tels propos contribuent eux aussi puissamment à diviser les français en attisant un sentiment d'envie, de jalousie et de revanche plus qu'un vrai souci de justice et d'équité. C'est Nietzsche qui parlait à ce propos du ressentiment comme moteur souterrain de l'action.

C'est sans doute là l'une des raisons cachées de la supériorité de l'économie allemande sur la nôtre : un certain sens du compromis et du respect de l'autre, si absent de notre culture et de nos mœurs politiques, médiatiques et sociales. J'entendais l'autre jour sur France-inter un auditeur de Strasbourg, à la tête de deux entreprises, l'une en Alsace et l'autre en Allemagne, tout près de la frontière. Il notait bien la différence de "climat": "Ici, vous êtes un patron, avec toute la charge négative que cela comporte. Là-bas, vous êtes un dirigeant, avec toute la reconnaissance collective qui s'y rattache".

Pas étonnant, dès lors, que l'industrie y marche mieux : ils savent jouer un jeu "gagnant-gagnant", non exempt, bien sûr, d'oppositions et de conflits, mais un certain sens de l'intérêt général les conduit à régler ceux-ci au bénéfice de tous par la négociation et non par le brutal et primitif "rapport de force", alors que par hargne, voire "haine sociale", nous jouons (et nos syndicats, hélas, jouent trop souvent) un jeu perdant-perdant où le but devient plus de faire plier l'adversaire ou de l'humilier, quitte à se tirer une balle dans le pied, que de trouver un arrangement équilibré tenant compte des contraintes et intérêts de chacun. Les six cents dockers au statut privilégié bloquant le port de Marseille avec les milliards d'euros de trafic maritime perdus pour longtemps au profit de Gênes, Barcelone ou Rotterdam en sont un exemple frappant. Et qui donc, à gauche, où l'on s'indigne volontiers du moindre appartement de ministre un peu surpayé, a osé s'en offusquer?

On entend aujourd'hui des appels émouvants au patriotisme des riches. Ce mot, inhabituel à gauche, reprend opportunément du service! Mais il n'est guère apparu à ce moment-là, ni lors de grandes grèves nationales dont on se garde bien de calculer le coût et les pertes subis! Pourtant, il pourrait y avoir aussi sa place, mais on y verrait vite un insupportable chantage et une entrave à l'action syndicale. Alors que "les riches" sont tenus, eux, bien sûr, à une irréprochable vertu fiscale face à la concurrence de régimes plus accueillants. Ce qui évite au moins de se poser la question des raisons structurelles profondes, inhérentes à notre société et dommageables pour elle, de leur éventuel exil. Sans compter les départs à bas bruit de talents et compétences vers des cieux moins hostiles…

Je ne dis pas, bien sûr, que la droite et les patrons n'aient pas du chemin à faire en matière d'ouverture et de partenariat. Mais ils sont moins théoriciens, plus pragmatiques, plus réalistes, et donc plus ouverts à un compromis raisonnable. La gauche, est plus idéologique, plus "religieuse" et sacralisante dans ses convictions, donc aussi plus dogmatique et plus fermée au compromis. Étrange paradoxe, il nous faut "laïciser" la gauche pour qu'elle s'accommode du dialogue avec des interlocuteurs qui ne soient pas a priori pris par elle pour le diable!

Si vos éditoriaux pouvaient tenir cette ligne et cette pédagogie de la responsabilité ouverte, dans un hebdomadaire qui aurait souvent bien besoin lui-même de s'en inspirer (mais quel est son ADN profond?), vous rendriez un utile service au pays tout entier, que l'on infantilise trop souvent par des slogans ou des propos démagogiques et racoleurs, car manichéens, sommaires et simplistes.

Dans le souci, partagé je l'espère, de cet objectif principal, je vous prie d'agréer, cher Monsieur, mes sincères salutations. 

Henri ALLAIGRE

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Commentaires
C
@ Henri Allaigre<br /> <br /> <br /> <br /> Les gesticulations du gouvernement Ayrault ont en effet de quoi nous inquiéter. Outre les conséquences de la chasse aux entrepreneurs et aux investisseurs sur l’emploi, c’est l’ensemble des français qui seront touchés, à terme, par les prétentions de redressement et de moralisation de ce gouvernement.<br /> <br /> Par ex, quelques jours après l’annonce de la taxation des dividendes, une agence de notation a rétrogradé la Caisse de Dépôts et Consignation. Qui gère les retraites des fonctionnaires et le logement social. Et pour cause : son équilibre financier dépend des dividendes qu’elle perçoit.<br /> <br /> Les investisseurs sont, pour l’essentiel, des institutions telles que les caisses de retraites. Ou les banques elles-mêmes, pour garantir leurs fonds propres, càd les fonds qui garantissent les sommes qui leur sont confiées par leurs clients, Banque Postale incluse. Monsieur Ayrault fragilise nos petites économies.<br /> <br /> Etre « anti-dividendes » fonctionne à merveille dans les médias et dans l’imagerie populaire de riches rentiers supposés vivre de leur fortune sans travailler. <br /> <br /> Dans la foulée, nos moralisateurs pénalisent les salariés des grandes entreprises par la fiscalité appliquée aux sommes perçues grâce à leur participation aux bénéfices !<br /> <br /> <br /> <br /> LA CHASSE AUX PATRONS DATE DE L’UNION DE LA GAUCHE. Le PS, absent des usines et constitué de fonctionnaires et de professions libérales, s’est donné une image anti-patrons pour conquérir l’électorat ouvrier. Ce zèle n’a cessé de se développer. Au grand bonheur des médias qui font beaucoup d’argent avec ces slogans et sont, dans le même temps, exemptés de critiques sur leurs bénéfices et sur leurs salaires et avantages, puisqu’ils seraient les alliés des « pauvres »…<br /> <br /> Les riches qui ne se servent pas de leur argent pour créer des emplois et contribuer à l’équilibre du commerce extérieur n’ont pas de soucis à se faire : il leur suffit de s’exiler fiscalement. Les cinéastes continueront à bénéficier de subsides de l’argent public, tout en tournant à l’étranger. Ils placeront leurs fortunes en œuvres d’art, qui ne comptent pas dans l’ISF.<br /> <br /> <br /> <br /> Les CONSEQUENCES de l’idéologie anti-patrons du PS, sont graves :<br /> <br /> - L’ECRASEMENT DE LA DEMOCRATIE SOCIALE AU NOM DE LA LEGITIMITE EXCLUSIVE DE LA DEMOCRATIE PARLEMENTAIRE. Exemple : le projet des 35 heures a été inspiré par l’existence, depuis les années 80, d’accords d’entreprises diminuant le temps de travail pour certaines catégories de personnel. L’exemple type était celui de Péchiney, dont le patron, Gandois, avait négocié une diminution du temps de travail jusqu’à 32 heures hebdomadaires pour les salariés cumulant travail de nuit et pénibilité des postes. Jospin et Aubry ont légiféré sur les 35 heures pour tous en excluant que les négociations soient internes aux entreprises.<br /> <br /> - le DESASTRE DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE DANS L’EDUCATION NATIONALE. La condescendance à l’égard des ouvriers a comme conséquence que les décideurs de l’orientation envoient les élèves en échec dans les filières professionnelles. Alors que ces filières concernent les « forts en maths », dès le CAP.<br /> <br /> <br /> <br /> La SOLIDARITE FRANÇAISE est effectivement profondément ancrée dans les valeurs chrétiennes de charité. L’attitude chrétienne à l’égard des pauvres n’a rien à voir avec les castes de la culture bouddhiste.<br /> <br /> Ce qui est SPECIFIQUE A LA FRANCE, c’est que la parabole des talents a perduré en TRANSFORMANT LA CHARITE CHRETIENNE EN SOLIDARITE LAÏQUE. Notre système de Protection Sociale est le plus élaboré et le plus protecteur comparé aux pays dont nous connaissons les statistiques. IL EST INDISPENSABLE DE PRENDRE LES MOYENS DE L’ADAPTER AU XXIEME SIECLE POUR LE FAIRE PERDURER.<br /> <br /> Cette remise à plat de notre Protection Sociale est d’autant plus urgente que nous constatons une dégradation significative de la protection des plus faibles dans les deux pays habituellement érigés en modèles (voire en fondateurs !!!) de la Protection Sociale : l’Allemagne et la Grande-Bretagne.<br /> <br /> <br /> <br /> LE DIALOGUE SOCIAL, dans les entreprises, dépend de L’ADAPTATION DE LA LEGISLATION DU TRAVAIL A L’ECONOMIE DE MARCHE DU XXIème SIECLE.<br /> <br /> <br /> <br /> La différence des modalités de DIALOGUE SOCIAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE est TOTALEMENT ISSUE DE L’HISTOIRE DU XXème SIECLE.<br /> <br /> Jusqu’au début des années 30, les relations sociales étaient interchangeables entre l’Allemagne et la France. Le dialogue se limitait le plus souvent aux fins de grèves. Les initiatives sociales qui existaient dans certaines usines étaient unilatérales, même lorsqu’elles faisaient l’objet de consultations des ouvriers.<br /> <br /> <br /> <br /> C’est au cours des années 30 que la situation a changé : alors que, en 1936, le syndicalisme français marquait les bases du dialogue social grâce aux conventions collectives de branche et au droit syndical, les Allemands mettaient les syndicalistes en camps de redressement.<br /> <br /> Nous n’avons pas connaissance de leaders syndicaux allemands ayant survécus aux camps jusqu’en 1945. Aussi, lorsque les Alliés (les Américains) ont imposé la cogestion aux grandes entreprises allemandes, ces employeurs ont choisi des futurs gestionnaires, qui n’avaient rien à voir avec les marxistes. Leurs descendants cooptés non plus, évidemment.<br /> <br /> Toutes les grandes entreprises, quelle que soit leur moralité, ont fonctionné de la sorte. Par exemple, la puissante IG Farben. Directement liée au pouvoir nazi, qui avait inventé et fabriqué le zyklon B (filialisé). Elle a développé son monopole avec des prisonniers du camp d’Auschwitz, où elle était installée, des prisonniers de guerre et des travailleurs étrangers et/ou forcés. Tous exploités jusqu’à épuisement mortel (au bout de 6 mois en moyenne).<br /> <br /> IG Farben a pu continuer ses activités grâce à une simple restructuration de ses 3 branches en 3 entreprises indépendantes (Agfa, BASF et Bayer). <br /> <br /> <br /> <br /> Une tradition allemande du consensus et du respect des personnes ?<br /> <br /> <br /> <br /> Les accords consensuels des grands groupes allemands permettent d’affirmer que LA LEGISLATION DU TRAVAIL EST DETERMINANTE dans la nature du DIALOGUE SOCIAL. Il est donc URGENT de la réviser.<br /> <br /> <br /> <br /> Mais prenons garde à la tentation de faire un copié-collé du fonctionnement allemand. Le dialogue social des grands groupes cohabite avec des TPE voire PME qui emploient des salariés à 400€ par mois : les Alliés ont sans doute oublié d’imposer le droit syndical dans toutes les entreprises.<br /> <br /> <br /> <br /> Il appartient au gouvernement de mettre en place les conditions d’une concertation sociale fondée sur un syndicalisme de réforme. Ce qui implique d’exclure du droit social la perpétuelle menace de sanctions des entrepreneurs.Et d'abolir, pour le PS, le soutien inconditionnel des rapports de forces qui paralysent l'économie et qui laissent sur le côté tous ceux qui sont exclus des défilés.
B
Sans commentaire.<br /> <br /> Parfait pour moi.<br /> <br /> Ce qui est déjà un commentaire.
M
Les cotes de popularité de François Hollande et de Jean-Marc Ayrault ont chuté lourdement en septembre par rapport à août, de 11 points à 43% pour Hollande et de 7 points à 50% pour le Premier ministre (IFOP/JDD)<br /> <br /> 43% des sondés sont satisfaits de François Hollande en septembre, 56% (+11) sont mécontents. 5% des sondés (-2) se déclarent "très satisfaits" du président et 22 % (+3) "très mécontents".
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