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Cercle des Libertés Egales
21 août 2015

Baisse d'impôts, l'insoutenable légèreté de François Hollande

Jean-Yves ARCHER, Le Figaro


Jean-Yves Archer est économiste. Il dirige le cabinet Archer et anime le think tank de recherche économique Archer 58 research. Il est diplômé de l'ENA (promotion de 1985) et titulaire d'un doctorat en économie à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. En savoir plus sur son site.


En France, comme l'a toujours enseigné avec finesse Jacques Pilhan (ancien conseiller en communication de François Mitterrand puis de Jacques Chirac), la parole présidentielle doit être rare et mesurée au trébuchet.

Il n'est pas pertinent de prononcer un discours par jour. L'expérience l'a démontré. S'agissant de François Hollande, il est un président qui tire sa légitimité incontestable de l'élection de 2012 mais qui trébuche souvent sur le contenu de paroles pourtant prononcées en densité et non à la légère. La sagacité reconnue de l'esprit n'exclut donc pas la sortie de piste.

 

Tout le pays se souvient en effet de l'inversion de la courbe du chômage, idem pour «la reprise, elle est là! «et chacun reconnaît que le Chef de l'Etat se déplace sur des routes virtuelles verglacées au point que ses dires sont infirmés et deviennent par conséquent les antonymes de ses déclarations initiales. Au fond, il y a toujours des impondérables mais François Hollande croit pouvoir s'y soustraire pendant que les citoyens payent, sous une forme ou sous une autre, l'addition.

Cette semaine, en déplacement dans l'Isère, le Président a déclaré : «Il y aura des baisses d'impôt quoi qu'il arrive en 2016». En traduction décryptée, cela veut signifier qu'il y aura éventuellement des baisses pour certains au niveau de la fiscalité d'Etat tandis que les fiscalités régionale et locale vont continuer de s'alourdir au fur et à mesure des baisses de dotations de l'Etat en faveur des collectivités territoriales. ( - 3,9 milliards ).

Depuis la hausse des impôts locaux municipaux, les contribuables ont compris: ils ont payé pour voir. A l'inverse des promesses qu'ils avaient pourtant entendues fort et clair. Ce jeu de mistigri de l'ascenseur fiscal qui parcourt notre millefeuille administratif est désormais source de colère. Par respect et par courtoisie républicaine, il serait illusoire de retenir le dernier propos présidentiel comme un mot issu d'une campagne électorale anticipée. Donc ce n'est pas officiellement une promesse et pourtant qui ne souvient de l'effet désastreux sur la campagne de Ségolène Royal d'une déclaration du premier Secrétaire du P.S d'alors sur les impôts et sur le seuil à partir duquel «on est riche».

Pour effacer le coup de massue fiscale des années du début du quinquennat, il faut se lever tôt et lâcher des mots sur les impôts dès à présent pour ne pas être coiffé au poteau voire poussé derrière le rideau de l'avant-scène.

Tout cela, le Président le sait et si son propos n'a pas la valeur d'une promesse, peut-on croire qu'il a la valeur d'un engagement? Rien n'est moins certain car «quoi qu'il arrive «, le décideur public ultime ne peut prétendre maîtriser des paramètres exogènes. Les impôts de 2016, votés à la rentrée de 2015 (Loi de finances) seront ajustés aux besoins de l'Etat que bien des analystes, dont le pondéré Christian de Boissieu, peinent à chiffrer car nul n'identifie la profondeur du décrochage français que la croissance zéro du deuxième trimestre manifeste.

De même les nuages noirs venus de Chine (crise des changes et érosion de la reprise) et l'éventuelle remontée des taux d'intérêt nord-américains (décisions à venir de la FED) auront un impact sur notre niveau de croissance qui est, à ce jour, fixé à 1,6% pour 2016 ce qui n'est pas frappé du sceau du plus grand réalisme. Idem sur le niveau haussier de la charge de notre dette publique.

Le fiscaliste réputé qu'était Maurice Cozian aurait aisément pu démontrer qu'un niveau de solde national fiscal ne se détermine pas «quoi qu'il arrive» et donc qu'une baisse des impôts est un exercice délicat.

Car enfin, à qui fera-t-on croire que la TVA va baisser? Elle vient d'être réformée.

Idem pour les droits de mutation foncière à titre onéreux. Idem pour l'ISF. Etc. L'impôt dont le Président voulait nous entretenir pourrait être l'IRPP car il ne faut pas oublier que le Congrès du PS tenu à Poitiers ( en Juin dernier ) a confirmé l'objectif de fusionner la CSG et l'IR. Or, cette équation est loin d'être un futur jeu à somme nulle. Il est alors de bonne tactique de reculer un peu en 2016 pour repartir de l'avant en 2017, post-présidentielle. Une belle ficelle! De surcroît, le propos du Président est une promesse officieuse qui a le rang d'un engagement friable et parfaitement soluble dans un collectif budgétaire ( Loi de finances rectificative ) voté en Juin 2016.

Décidément, ce quinquennat est marqué par l'instabilité fiscale et par une certaine incapacité à mesurer que l'Histoire est «tragique voire s'écrit en lettres de sang» pour reprendre le mot de Raymond Aron. Qui ne voit que notre effort militaire ne cesse de coûter?

Qui ne voit les incertitudes de ce moment du monde que nous traversons? Avons-nous envoyé des chars Leclerc se positionner en Pologne? De même que des avions de chasse? Dotés de quelles types de puissance de feu?

 

Dans ce contexte, le «quoi qu'il arrive» fait l'effet d'un accessoire de fanfare là où le temps diplomatique relève davantage de la musique de chambre. Pour être clair, si l'OTAN estime requis de déployer des armements dans l'Ukraine abîmée, que ferait la France du «quoi qu'il arrive»?

«Au fond de nous, tout au fond est la musique, une sorte de rire silencieux de la gorge et du corps. Le reste, ce qu'on appelle la profondeur, je veux dire le sérieux, l'arrêté, le pompeux, cette profondeur-là n'est que théâtre de surface» ( Discours de réception à l'Académie française d'Erik Orsenna le jeudi 17 Juin 1999 ).

La phrase de l'Isère est à la lisière de la profondeur car elle relève du théâtre de surface justement visé par Erik Orsenna et il n'est pas certain qu'elle grandisse son auteur à l'échelle qui est la sienne à savoir celle de rendre des comptes à notre Histoire collective. Etre Président, c'est être quoi qu'il arrive la pièce faîtière de la Nation.

A l'heure où des pluies de sondages ( pour les élections régionales ) attestent du nombre de citoyens qui rêvent de «plumer la volaille socialiste «( Secrétaire général du Parti Communiste: Albert Treint, 1922 ), le président Hollande va probablement ponctuer l'intervalle qui nous sépare du scrutin de Décembre de petites phrases dignes d'une vraie «câlinothérapie».

Edouard Herriot avait dit un jour: «Il est vraiment malin ce Pinay, il s'est même fait une tête d'électeur». Pour éviter un tsunami électoral additionnel, l'ancien élu de Corrèze va jouer sur bien des registres en gardant en mémoire les 18,000668 millions d'électrices et d'électeurs qu'il avait su rallier sur son nom en 2012.

Parfois l'homme s'égare dans la discourtoisie et oublie cette journée d'élection présidentielle au point de lâcher à Bamako, le 2 Février 2013: «Je viens sans doute de vivre la journée la plus importante de ma vie politique».

En temps de crise économique, les impôts sont un sujet évidemment sensible et il n'est pas choquant que le Premier ministre évoque l'année fiscale à venir. La parole du Président se gâte comme un fruit trop mûr en versant dans ce débat. Jacques Pilhan voulait une parole présidentielle économe et désirée là où François Hollande mû par son «Désir d'avenir» prend le risque significatif de casser les codes de communication.

         

Jean-Yves Archer

 

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Commentaires
L
Tout à fait d'accord! Et que dire des " cadeaux aux clientèles électorales" ou présumées telles: Emplois d'avenir sans avenir professionnel, les chiffres " tordus" du chômage, la phrase grotesque de M Sapin sur la croissance nulle, le tiers payant pour Tous et pour la Sécu(!!)de M Touraine, les 48h impossibles de temps de travail des urgentistes, les déplacements compulsifs de M Valls et Caseneuve sur le terrain insondable de l'insécurité ( y compris routière), les "randonnées" à Calais, l'auto satisfaction du Président sur le énième plan d'aide à la Grèce, les programmes scolaires qui handicaperont les enfants modestes....le faux "plan d'aide" aux éleveurs sorti de derrière les fagots,sans anticipation....Résultats? NULS! Et malheureusement dans TOUS les domaines!!! Alors, de grâce, moins de com à 2 balles...et surtout un peu plus de modestie! Plus ce gouvernement échoue et plus il palabre! Quant à F Hollande,il prend l'attitude du Ravi de la crèche ( expression provençale!) adoptant un air limite provocation...Qu'il en profite car comme il l'a dit lui même à des jeunes: " il n'y a pas de pôle emploi pour les Présidents"... Quel mépris pour les 1000 chômeurs qu'il a " fabriqués" par jour depuis Mai 2012!!! Incompétence et mépris seront les marques de cet ex Conseiller Général de Corrèze.
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