Quelques mots, pour défendre notre langue et notre identité...

Je suis triste et même parfois davantage,  de voir se perdre notre langue dans laquelle  se trouvent toutes les formes de notre identité. Les racines de mots nous disent  notre histoire, ceux qui nous viennent d’ailleurs montrent notre ouverture au monde…Dans notre langue on retrouve au plus près, au plus juste,  notre façon de penser, notre manière de vivre,  notre poésie, la musique même qui est la nôtre… l’harmonie et l’équilibre qui sont nos idéaux. Et tout cela se perd…

Plus profondément encore, c’est dans notre langue  que se trouve notre liberté d’être et de continuer à être ce que nous sommes. Comment être libre de penser et d’affirmer ce qu’il y a en nous,  ce que l’on aime, ce que l’on  veut ou ce que l’on espère,  si on ne peut mettre des mots précis sur des sentiments, des concepts,  des idées.

On est alors prisonniers des clichés du « prêt à penser », contraints de répéter ce qui se dit autour de nous, même si on sent confusément que ce n’est pas tout à fait ce que l’on pense ou veut dire! Mais comment le dire si on n’a pas les mots, et plus grave encore comment le penser ?  

Parce que progressivement  cette utilisation d’indigents à peu-près devient naturelle et ne nous dérange plus, ce sentiment d’incomplétude disparaît et on se laisse immerger sans que ne subsiste plus aucun malaise, dans le bain d’une pensée pauvre et limitée… qui se trouve enfermée dans une prison de plus en plus rétrécie, qui interdit le souffle large comme les grandes inspirations, et nous limite à une courte respiration mesurée et banale.

Tenez, prenons cet épouvantable mot de  « chiant », qui pour tous, y compris pour nous parfois est si communément employé. On l’emploie pour dire des choses différentes, que l’on ne sait plus exprimer autrement que par ce mot et dont les différentes nuances disparaissant de notre vocabulaire, tendent à disparaître  aussi de notre pensée.

L’appauvrissement de la langue devient, et c’est dramatique,  un appauvrissement de la pensée. On dit « chiant » pour dire : ennuyeux, mais aussi pour signifier : contrariant, gênant, pénible, douloureux, difficile, désagréable, déplaisant, agaçant, lourd, obsédant, regrettable, …Et encore beaucoup d’autres certainement… Ces mots, ces notions qui ont encore un sens pour nous, bientôt n’en auront plus pour ceux que l’on appelle « jeunes », et les nuances, les sentiments qu’ils expriment disparaîtront eux aussi, étouffés par le « chiant » universel.

On pourrait faire la même constatation avec le mot, « cool »…qui d’agréable, doux ou sympathique jusqu’à formidable,  remplace certainement aujourd’hui  plus d’une douzaine de mots ou d’expressions.

Renier son histoire et ses racines, négliger sa langue, et en prolongeant l’idée,  accepter ou encourager la dissolution de la famille, pilier de notre société, c’est perdre son identité et s’engager sur le chemin du déclin.  

Les peuples qui voient disparaître leur identité, qui n’y croient plus, perdent leur attractivité et leur force…Retrouver notre identité, éviter qu’elle ne disparaisse dans un multi culturalisme flou est peut-être une des exigences les plus pressantes et les plus essentielles de notre temps.

Mais bien peu sont conscients du danger qui nous menace.

Marc d'Héré