Avantage Sarkozy
Les Echos.fr
Comment comparer les résultats des politiques économiques de François Hollande et de Nicolas Sarkozy ? Le retour de celui-ci sur la scène politique va donner lieu à de vifs débats sur ce thème. La comparaison simple des différents indicateurs (chômage, PIB, consommation, etc.) n’a pas grande signification. La vitesse à laquelle vogue un skipper dépend du vent autant que de ses qualités de marin. De la même façon, l’évolution du taux de chômage ou du taux de croissance résulte d’au moins deux facteurs.
Le premier, qui est l’équivalent de la vitesse du vent, est la conjoncture internationale. Le taux de croissance des autres pays, le comportement des marchés financiers et monétaires internationaux, exercent une influence évidente sur les résultats de la France. Le second facteur, qui correspond à l’habileté du marin, est la politique économique nationale. Impôts, dépenses, contraintes, incitations, ou contenu des boites à outils peuvent bien entendu améliorer ou au contraire détériorer les performances économiques du pays.
Il n’est pas sérieux d’ignorer l’impact du premier facteur, et d’attribuer l’évolution des courbes au seul deuxième facteur. Pour porter un jugement honnête sur l’efficacité des politiques suivies, il faut sortir des analyses purement hexagonales, et considérer les évolutions toutes choses égales par ailleurs. Il faut neutraliser, gommer, les effets de la conjoncture.
Comment y parvenir ? Un procédé simple et classique consiste à décomposer une évolution donnée (par exemple +5%) en deux effets : un « effet conjoncture » (par exemple +3%) et un « effet politique » obtenu par différence (+2%). En pratique, pour la France, l’effet conjoncture peut être défini comme l’évolution enregistrée par les pays de l’Union européenne ou de la zone euro. Tous les pays de ces ensembles font comme nous face au même prix du pétrole, à la même demande chinoise, aux mêmes innovations américaines, bref à la même conjoncture.
On a calculé ces deux effets pour six indicateurs (chômage, dette, déficit, PIB, consommation, investissements), et pour deux périodes : la période Sarkozy et la période Hollande. Les données utilisées proviennent d’Eurostat, l’institut statistique européen, ce qui leur donne une grande comparabilité. Les chiffres sont transformés en taux de croissance annuels pour les périodes Sarkozy et Hollande . Que trouve-t-on ? Deux résultats très clairs, qui vont à l’encontre des idées reçues.
Le premier est que l’effet politique est positif dans la grande majorité des cas : la France a presque toujours fait mieux que l’ensemble des pays de la zone euro ou de l’Union européenne. Cocorico ! Prenons par exemple le PIB. Il a certes stagné durant la période Sarkozy (+0,2% par an), mais durant la même période il a diminué (-0,3%) dans la zone euro et dans l’Union. L’effet politique est donc positif (+0,5%). C’est ce qui se passe dans dix des douze cas étudiés (six indicateurs x 2 périodes). La crise a été terrible, mais elle a été moins terrible chez nous qu’ailleurs. Les vents ont été contraires, mais les skippers français ont été bons.
Le second résultat est que cet effet politique heureux est nettement plus important dans la période Sarkozy que dans la période Hollande. Cela est vrai pour cinq indicateurs sur six, pour le PIB, pour la consommation des ménages, pour les investissements, pour les déficits publics, et pour le chômage.
Pour le chômage, prétendument prioritaire, la comparaison est particulièrement fâcheuse pour le président actuel : sous Sarkozy, le chômage augmentait, hélas, en France (+4,6% par an), mais il augmentait deux fois plus vite dans le reste de l’Europe (+11,8% dans la zone euro, +10,6% dans l’Union). Sous Hollande, il augmente toujours (+3%), alors qu’il se stabilise dans la zone euro (+0,6%) et qu’il diminue (-1,4%) dans l’Union européenne.
Nous étions dans le premier tiers de la classe, nous sommes maintenant dans le dernier tiers. C’est seulement pour la dette publique que l’effet politique hollandais est meilleur que l’effet politique sarkozien ; et encore cela n’est vrai que par rapport à la dette des pays de la zone euro, pas par rapport à la dette des pays de l’Union européenne. Des deux skippers, le premier a donc été meilleur que le second.
Ces résultats doivent s’interpréter avec précaution. La régate n’est pas encore terminée. D’autres facteurs explicatifs peuvent être mobilisés. Et ces résultats ne concernent que l’économie. Mais le fait est qu’ils sont robustes et ne peuvent guère être ignorés.
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