Pour être élu président de la République
La campagne présidentielle de 2017 qui s’engage, semble se concentrer sur les résultats, les prévisions ou les propositions économiques. C’est une grave erreur que commettraient les éventuels candidats s’ils s’obstinaient sur cette voie ? Ce n’est pas là-dessus (ou très marginalement) que, comme à l’ordinaire, se jouera l’élection.
Pour être élu président de la République, il faut montrer deux qualités complémentaires : être capable de tisser un lien particulier de confiance avec les Français et incarner mieux que ses concurrents, ce qui est leur attente essentielle et prioritaire.
Tous les candidats élus l’ont été parce qu’ils ont su répondre à cette double exigence.
Pour De Gaulle le lien avec les Français reposait sur l’admiration et la reconnaissance, et seul il a incarné lors de son retour, le redressement attendu d’une France affaiblie par une IVème République impuissante et déconsidérée.
Georges Pompidou a su poursuivre ce lien du peuple avec De Gaulle (abrégé par l’accident référendaire) et, tout en continuant l’œuvre de redressement, est apparu capable d’une réponse ferme, compréhensive et raisonnable au séisme de mai 68.
Avec Valéry Giscard d’Estaing, le lien basé sur une image de compétence, lentement tissé avec les Français, se conforta de manière « magique » le temps d’une campagne, et mieux que ses concurrents, il sut incarner par sa jeunesse et son discours éclatant, le besoin de renouveau d’une société lassée du conservatisme fatigué qui caractérisait la fin du « gaullisme ».
François Mitterrand sut apparaître comme l’oncle sage et ouvert à la fois (pour sa 2ème campagne il devint d’ailleurs « tonton »), dont le discours tranquillement novateur séduisait et répondait au désir du peuple français, d’essayer les solutions d’une gauche qu’il n’avait plus vue à l’œuvre depuis 24 années et qui le tentait.
Jacques Chirac fût un peu atypique. Il n’avait pour sa première élection créé qu’un lien assez faible avec les Français, jusqu’à la « trouvaille » du slogan sur la nécessité de « réduire la fracture sociale » mais il bénéficia de l’écroulement de la gauche et de la personnalité inadaptée de son concurrent de droite. En 2002, il avait enfin réussi à se rapprocher des Français grâce à sa « chaleur » qui répliquait à la froideur de Lionel Jospin. Pourtant, répondant imparfaitement à leur attente, il eut la chance de se trouver opposé à JM Le Pen au second tour.
Nicolas Sarkozy, en 2007, séduisit les Français par son énergie, son dynamisme et la mise en avant habile qu’il sut faire de ses résultats au ministère de l’Intérieur. Par ailleurs, sa volonté de « rupture » avec l’immobilisme chiraquien correspondait tout à fait à l’attente des électeurs.
François Hollande, enfin, a su tisser un lien fait de proximité et de simplicité avec les Français qui attendaient de ce « Président normal », apaisement et calme après l’hyper activité et la frénésie sarkozyenne.
Et pour 2017 ? Comme nous le disions en commençant, ce n’est pas sur les résultats ou les propositions économiques (ou très marginalement) que se jouera l’élection mais bien sur le charisme des candidats et leur capacité à incarner ce qu’attendront, à ce moment-là, les Français.
S'ils sont encore à cette date aussi inquiets, désorientés, désenchantés qu’ils le sont aujourd’hui, alors celui (ou celle) qui saura incarner leur besoin de retrouver une identité perdue ou diluée, et sera capable de leur donner confiance en l’avenir de la France et en sa propre capacité à le construire avec eux, aura toutes les chances d’être le gagnant.
Marine Le Pen, qui dispose d’un certain charisme, se place assez bien dans cette problématique de l’identité à retrouver, mais le côté incertain de sa conception de l’avenir, comme le caractère excessif, irréaliste et trop clivant de ses propositions ne peut en aucun cas rassembler une majorité.
A gauche, le candidat sera François Hollande. Il a su, malgré toutes les vicissitudes, conserver un lien de proximité avec les Français et trouver un statut « présidentiel », par son action (pourtant bien banale) à la suite des attentats de janvier. C’est un point fort, mais on le voit difficilement incarner le besoin des Français de retrouver leur « identité », alors qu’il est en grande partie responsable de sa dilution, et de leur redonner confiance dans un avenir que le flou de ses décisions et sa politique inadaptée ont contribué à obscurcir.
A droite seuls Alain Juppé et Nicolas Sarkozy peuvent prétendre sérieusement à la candidature.
Alain Juppé, malgré la « bulle » médiatique dans laquelle il nage avec ravissement, ne peut, avec son image de technocrate désincarné, ni créer un lien fort avec les Français ni répondre à leur besoin d’identité, ni enfin, homme du passé, leur présenter une vision crédible de l’avenir.
Nicolas Sarkozy est celui qui serait le mieux placé pour répondre aux deux exigences. Son charisme est incontestable, son expérience, sa relative jeunesse et son dynamisme devraient être capables d’inspirer confiance pour bien saisir l’avenir et le construire ; ses réflexions et ses campagnes devraient le mettre, mieux que d’autres, en adéquation avec ce besoin de retrouver notre identité oubliée. Mais il a perdu en 2012, son image s’est détériorée, et son lien avec les Français s’est trouvé distendu. Son retour déterminé mais plus difficile que prévu, montre que pour l’instant il n’y a pas de véritable « envie » de le voir revenir au premier plan.
A lui de faire changer l’opinion des électeurs, en modifiant l’image qu’il a laissée, en réussissant à rassembler de nouveau sa famille politique, prélude à un rassemblement plus vaste, en retrouvant cette capacité à incarner les rêves et les attentes des Français et à leur donner confiance.
Il semble être sur le bon chemin.
Marc d’Héré