Propos de Sarkozy déformés
la polémique sur les propos qu'aurait tenus Nicolas Sarkozy est un nouvel épisode de la guerre que les Bobos livrent au peuple.Par Charles Consigny
Il fut un temps où la bonne foi faisait partie de la courtoisie la plus élémentaire. On ne faisait pas semblant de ne pas comprendre, on ne rapportait pas les propos d'un interlocuteur en en transformant le sens. Dans la presse, un mélange d'analphabétisme et de malveillance a mis fin à ce principe de bonne foi, comme le démontre l'histoire des « ploucs » visant Nicolas Sarkozy.
À l'occasion d'un déjeuner avec l'Agence France-Presse (AFP), le candidat à la primaire des Républicains a évoqué les gens qui votent pour lui en les qualifiant de « ploucs », sous-entendant non pas que lui-même les méprise, mais que les journalistes qui lui faisaient face lors de ce déjeuner méprisent, eux, ce peuple qui regarde le 13 heures de TF1, qui ne veut pas de burkinis sur les plages de Juan-les-Pins, qui voit dans la Rolex un désirable symbole de réussite, et qui a voté et revotera peut-être « Sarko ».
En reprenant telle quelle la phrase « Mon électorat est populaire, ce sont des ploucs », L'Obs fait preuve de mauvaise foi et de malveillance, de même que les journalistes de l'AFP qui ont confirmé ces propos à l'hebdomadaire sans restituer l'intention dans laquelle ils ont été tenus. Ce faisant, ces détenteurs de cartes de presse trahissent le mandat que leurs lecteurs leur confient, puisque ces derniers attendent des journaux qu'ils fassent preuve d'un minimum d'objectivité – ce qui est devenu impossible à la plupart des journalistes s'agissant de Nicolas Sarkozy. Toutes les parties à ce mauvais coup savent l'effet dévastateur que peut entraîner la divulgation de ce type de propos, à une époque où l'on ne lit plus que les titres, distraitement, dans des fils d'actualité, sans chercher à en savoir davantage.
La démarche est d'autant plus méprisable que, si l'ancien président de la République déplaît tant aux Bobos qui composent les rédactions françaises, c'est précisément parce qu'il est lui-même, à leurs yeux, un plouc. Un plouc qui aime le luxe, les montres qui brillent, la réussite qui s'affiche. Un plouc qui préfère Neuilly au canal Saint-Martin et des vacances sur la Côte d'Azur à l'agrotourisme. Un plouc qui ressent le besoin de montrer ses sentiments, de se vanter de ses bonnes audiences, de partager ses émotions artistiques. Un plouc comme les autres, comme ses électeurs, comme ces Français qui voient en lui quelqu'un de plus proche d'eux que tous les Inrockuptibles réunis.
Parce qu'il est aussi un homme infiniment plus complexe que cela, c'est l'honneur de Nicolas Sarkozy que de ne pas sombrer dans le ridicule où se mettent les amateurs du Festival d'Avignon et autres déambulateurs approbatifs des expos ineptes qui pullulent à Paris, pour le plus grand bonheur des restaurateurs à qui cela permet de vendre des brunchs aux porteurs de chemises bûcheron et bonnets au-dessus des oreilles. C'est son honneur que de ne pas faire semblant de s'extasier devant les films grotesques que le cinéma français surproduit à longueur d'année aux frais de l'État, son honneur que de ne pas fréquenter ces théâtres assassinés par le snobisme, son honneur que de ne pas rire aux blagues de Charline Vanhoenacker et autres comiques officiels du socialisme hégémonique. C'est son honneur que de rester lui-même pendant que toutes ces feuilles mortes s'acharnent à être dans le vent, et c'est une honte, de la part de ces journalistes, d'attaquer aussi bas – à leur niveau.
Charles Consigny