La Guerre des gauches
Philippe Tesson, Le Point.fr du 28 mars...
Voilà Jean-Luc Mélenchon projeté au centre de la campagne. C'est désormais avéré. L'enthousiasme qu'a provoqué son passage à Lille mardi soir ne laisse plus de place au doute. Il sera contagieux dans les semaines à venir. Le candidat du Front de gauche va doucement vers les 15 %. Il n'est pas exclu qu'il les dépasse. La campagne du premier tour est entrée dans une phase gauche-gauche. Pourquoi pas, après tout ? Au moins les choses sont-elles peu à peu devenues plus claires. Il va bien falloir que François Hollande cesse de tourner autour du pot.
Que faire, comme disait Lénine ? Surenchérir sur Mélenchon, c'est vraiment difficile, convenons-en ! Lui donner des gages, c'est se couper de la gauche modérée. S'opposer franchement à lui, c'est insulter l'avenir, s'aliéner définitivement la gauche radicale. L'ignorer, faire comme si de rien n'était, temporiser, c'est risqué : on n'esquive pas l'obstacle. Gageons cependant que tel est le choix que fera le candidat socialiste. C'est dans son tempérament, et il n'a plus la main dans le jeu de barbichette qui l'oppose à Mélenchon.
Alors, au soir du premier tour, on fera les comptes, on additionnera les résultats de chacune des deux gauches. Le score sera sans doute honorable, aux environs de 45 %, semble-t-il. Mais les problèmes se poseront, considérables, dans la perspective du second tour, avec en toile de fond celle des élections législatives, c'est-à-dire de la majorité parlementaire.
Risque
Si, en effet, les deux parties, qui engageront une négociation, ne s'entendent pas, la victoire de François Hollande ne sera pas assurée. Elle dépendra du report aléatoire des voix des partisans de Mélenchon, sauf à penser que celui-ci renie ses engagements. Si les deux parties s'entendent sur un compromis, Hollande risque également l'échec. En effet, première hypothèse : ce compromis est favorable à Mélenchon et prévoit des mesures sociales très avancées concernant, par exemple, les 35 heures ou l'âge de la retraite, et Hollande perd des voix sur sa droite. Seconde hypothèse : ce compromis est favorable à Hollande, qui perd alors des voix sur sa gauche.
Cette logique est élémentaire et limpide. Certes, tel ou tel événement imprévu peut la contrarier. Mais une chose est avérée : il n'y a pas d'unité à gauche, et s'il emporte l'élection présidentielle, François Hollande aura bien du mal à gouverner.
Philippe Tesson, Lepoint.fr